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Woofing dans le bush canadien !

Hélène charge le dernier sac sur le bateau, Marc détache les amarres et nous entamons la longue route vers l’île d’Olivier : 200 km, soit plus de 8h de navigation, sur une petite barque chargée jusqu’à plat-bord. Olivier a même dû faire appel à des amis qui nous accompagnent avec un second bateau, lui aussi surchargé. Il ne faudra pas plus d’une heure pour que le moteur du second bateau tombe en panne… Nous réorganisons les chargements et nous reprenons la route avec Olivier en laissant sur une île nos compagnons de voyage (ils seront secourus plus tard par leurs amis contactés par téléphone satellite). Ça y est, nous sommes sur l’eau et nous filons vers l’inconnu. Engoncés dans de lourdes parkas et tapis au sol, nous fuyons le vent glacial. La barque tape furieusement le creux des vagues. Dans la fente de nos capuches, on aperçoit l’ombre noire des sapins qui découpent le ciel mauve. Il ne fera jamais complètement noir et de toute façon il est impossible de trouver le sommeil : il y a trop de choses à admirer ! Quelques heures plus tard, au détour d’une île, on aperçoit perchée au loin une cabane en rondins de bois. L’aventure commence !

L’histoire d’Olivier est assez impressionnante : parisien, il est venu au Canada à 18 ans avec l’idée d’apprendre les coutumes des Premières Nations et de vivre comme ils vivaient avant que les blancs ne débarquent. D’abord rejeté par les populations autochtones du nord du Nunavut, il est finalement accueilli par une famille Dene dans les environs de Yellowknife. Il apprend alors à vivre dans les bois, à chasser, à pêcher et l’artisanat amérindien. Aujourd’hui, ses relations avec les populations locales lui ont permis de s’installer sur une île au large de Lutselk’e (village Dene). Après s’être formé dans la charpenterie, il a construit sa maison en rondins qui lui permet de vivre sur son île à l’année. L’île n’est pas très grande : 10 minutes suffisent pour en faire le tour. Elle se compose de 3 presqu’îles reliées entre elles par de minces bandes de terre : Olivier a construit sa cabane en rondins sur la plus grande des trois. Autour de nous, il y a de l’eau et des forêts d’épinettes à perte de vue : on se sent vraiment au bout du monde ! Ici pas d'eau courante: les douches se prennent dans le lac et un petit panneau solaire alimente quelques ampoules et internet par satellite !

Nous faisons rapidement connaissance avec les autres woofers de l’île. Il y a Quinton, un boulanger américain qui prend plaisir à préparer toutes sortes de pain au four hollandais : c’est une technique qui consiste à plonger un chaudron au milieu de braises incandescentes et même d’en recouvrir le couvercle pour recréer les conditions de cuisson d’un four. Son ami fromager, Chris, l’a rejoint plus tard en même temps que Lydia et James. Lydia est une québécoise au moral d’acier : elle gardera le sourire malgré une profonde coupure à la main en préparant le poisson. James est australien : ses connaissances en compost feront de lui notre jardinier en chef. Enfin, Vincent l’aventurier vient compléter l’équipe : il s’est associé à Olivier pour la pêche de cet été. L’argent qu’il gagnera lui permettra de partir en expédition à cheval en Amérique du Sud. Plus tard, Ahmit et Hugues se joindront à nous. Ahmit est israélien et veut s’essayer à la construction d’un four en argile. Hugues vient de Suisse pour apprendre à trapper. Pour l’instant, deux malheureux écureuils composent son tableau de chasse… Tous ont la même ambition : devenir de véritables bushmen et bushwomen (hommes et femmes des bois) !

Cette année pour la première fois, Olivier a fait appel à des woofers pour l’aider dans ses projets de construction mais aussi pour la pêche, l’activité qui lui rapporte de l’argent. Chaque matin à 6h, une équipe rame jusqu’au filet pour remonter le poisson. Puis le butin est ramené sur terre et débité en filets que l’on coupe en fine lamelles pour qu’il sèche bien. Ils sècheront quelques jours dans le fumoir le temps que la chair durcisse et prenne une belle couleur ocre. Nous nous améliorons jour après jour dans l’art de fileter le poisson et les coupures aux doigts, nombreuses au début, se font heureusement de plus en plus rares !

La journée est ensuite rythmée par le grondement de la tronçonneuse et les coups de marteau. Il y a des projets de construction de toutes sortes : depuis la confection d’une smoke-house pour fumer le poisson (qui viendra remplacer le tipi-fumoir) jusqu’à la fabrication d'une nouvelle cabane en rondins en passant par des tables, une tente semi-dure, un escabeau, des échafaudages… Le plus intéressant dans tout ça c’est qu’Olivier veut utiliser uniquement ce qui l’entoure pour ces constructions. On équarrit donc d’abord les troncs qu’il a ramassés l’hiver dernier avant de les découper en planches, tout ça à la tronçonneuse !

Bien évidemment les poissons accompagnent tous nos repas (petit déjeuner compris !). Ils sont d’ailleurs tellement gros que les têtes et les nageoires suffisent à nourrir tout le monde ! Malgré tout, Olivier ramène régulièrement de la ville des ingrédients qui viennent casser notre routine culinaire. Nous prenons alors plaisir à cuisiner : crêpes, banniques (petits pains) et même pizzas se joignent à la table ! Olivier possède aussi un livre sur la flore des territoires du Nord-Ouest. On en profite pour devenir expert en baies et plantes du coin : les fireweed en salade et la résine d’épinette en tant qu’antiseptique !

Pendant les journées off, chacun est libre de faire ce qui lui plait. Quand on ne se lance pas dans des projets de construction de four en argile, on s’évade en canoë pour visiter la nature vierge environnante. Nous avons dû affronter à la rame un vent de face pendant plusieurs heures pour rentrer de notre première sortie ! Nous choisirons des jours moins venteux pour les suivantes ! Sur la terre ferme, c’est le bonheur : on ramasse des baies de toutes sortes (myrtilles, baies de Saskatoon, groseilles, framboises sauvages…) on se perd au milieu des champs odorants de thé du labrador et on piste les crottes d’ours et d’orignaux en évitant les feux de forêt déclenchés par les orages. Les paysages sont magnifiques et lorsque l'on prend un peu de hauteur, on aperçoit au loin l’île d’Olivier, la seule habitée à des dizaines de kilomètres à la ronde. En rentrant de nos escapades, on laisse traîner un leurre à l’arrière du canoë : le lac ne manque pas de belles truites et de beaux brochets !

A la "nuit" tombée, les paysage sont à couper le souffle !

Trois semaines de woofing passent très vite et c’est déjà l’heure de repartir. Nous faisons nos adieux à nos amis qui nous offrent un pain pour le voyage. Il ira parfaitement avec la truite que nous avons pêchée la veille ! Le temps de démonter notre campement, de faire une dernière photo de groupe et nous voilà blottis une nouvelle fois dans le fond de la barque qui ronronne en direction de Yellowknife. Nous partons en milieu de soirée vers 23 heures. Le ciel est déjà plus sombre que lors de notre arrivée et on y aperçoit même quelques constellations ! Alors que nos yeux n’arrivent pas à trouver complètement le sommeil, voilà que se dessine dans le ciel un étrange nuage. D’abord grisâtre, il change de forme rapidement et disparait. Un autre au loin, plus précis et plus lumineux se teinte de vert et de rose avant de disparaître lui-aussi. Nous ne rêvons pas : nous assistons à nos premières aurores boréales !!! Le temps des aurores ne commence vraiment que fin Août, lorsque l’obscurité redevient totale. Celles que nous voyons, nous dit Olivier, sont bien pâles. Des étoiles (et des aurores !) quand même plein les yeux, nous ne résistons pas à l’envie d’immortaliser ce moment en photo… Nous resterons la mâchoire pendante durant les 10 minutes que les aurores danseront au-dessus de nos têtes.

Nous arrivons à Yellowknife vers 8h du matin et retrouvons Elmy avec joie ! Nous décidons de nous offrir un petit déjeuner pour fêter notre retour. Au moment de payer, la serveuse nous demande :

_ Vous faites du camping ?

_ Euh… oui. Pourquoi ?

_ Vous sentez la peau de caribou, j’adore cette odeur !

Les prochaines étapes coulent de source : lessive massive et méga douche ! Nous prenons une dernière bière avec Olivier et nous reprenons la route à bord d’Elmy qui ronronne aussi fort que nous chantons à tue-tête, heureux de faire route vers le légendaire Yukon !

Les caribous voyageurs
Dessin réalisé par Elodie Das Neves
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